Après le départ de Ben Ali le 14 janvier 2011 l’ONG Solidarité Laïque (dans laquelle la MGEN y est très active) a pris l’initiative dès février 2011 d’engager un programme de coopération avec la société civile tunisienne. Immédiatement, l’objectif du programme s’est tourné vers la réduction des inégalités et l’accès aux droits économiques et sociaux, qui constituaient une revendication forte de la révolution.
En 2014, le choix a été fait de lancer un programme concerté pluri-acteurs associant non seulement les sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée, mais également les pouvoirs publics et collectivités territoriales des deux pays. Cela pour permettre d’expérimenter, par la société civile elle-même, des solutions sur les inégalités et de les proposer dans le cadre des politiques publiques. Aujourd’hui, près de 90 organisations de la société civile sont actives dans ce programme et trois ministères tunisiens y sont engagés : éducation, jeunesse et formation professionnelle/emploi. Le programme travaille à renforcer les savoirs faire, les savoirs inter agir et les savoirs stratégiques de la société civile.
Parmi les trois thématiques de travail du programme, figure l’insertion socioprofessionnelle dans un pays où 30% des moins de 35 ans n’ont pas d’emploi. Dans les régions où les inégalités sont les plus prononcées, ce sont plus de 50% des jeunes qui sont en recherche d’emploi. Les femmes sont les plus impactées puisqu’elles sont en moyenne deux fois plus touchées par le chômage. Dans ce contexte, le programme a fait le choix de travailler sur l’insertion socioprofessionnelle par le développement d’un secteur de l’ESS et ainsi proposer une alternative au secteur public (qui n’embauche plus) et au secteur privé. Pour développer ce secteur, la Tunisie dispose de nombreux atouts : une jeunesse engagée dans le fait associatif et l’action sociale depuis la révolution, des ressources culturelles et naturelles riches et diversifiées, une constitution axée sur les droits humains et promouvant des stratégies de développement plus inclusive.
Reconnue comme troisième pilier de l’économie nationale à côté du secteur public et du secteur privé, l’ESS est désormais érigée au rang d’un choix stratégique de l’État tunisien.
Cette reconnaissance politique est affirmée par une étude stratégique élaborée par le gouvernement en 2017 et la désignation d’un ministre chargé de l’ESS auprès du chef du gouvernement lors du dernier remaniement ministériel en novembre 2018. Aujourd’hui, un texte de projet de loi sur l’ESS, initié à l’origine par l’UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisien), est en cours de préparation par la présidence du gouvernement.
L’ESS constitue une réponse logique à un mouvement plus large de démocratisation de la société tunisienne fondée sur la dignité, la liberté, la justice et le bien-être social. De surcroit, la période de transition sociopolitique a généré des difficultés économiques et sociales difficilement maitrisées : déclin de la qualité des services publics et des difficultés d’investissements privés notamment dans les régions de l’intérieur. Dans ces conditions, les tunisiens tendent de plus en plus vers l’association au sein de structures économiques démocratiques sous forme de coopératives, mutuelles et associations afin de répondre collectivement à leurs besoins. Longtemps déconsidérés, car assimilés à tort aux expériences collectivistes et dirigistes des années soixante, le coopérativisme et l’ESS sont aujourd’hui de nouveau au centre du débat sur les choix stratégiques de développement économique et social. La société civile et politique tunisiennes ainsi que les acteurs internationaux lui accordent un intérêt et une reconnaissance croissants.
L’ESS s’inscrit dans le cadre d’un mouvement international de reconnaissance de l’ESS comme remède aux dysfonctionnements de l’économie du marché. Il est donc important de nouer des partenariats internationaux en ce sens.
Gilles, Président de la section MGEN du Morbihan
Bonjour Guilhem,
Merci beaucoup pour cet éclairage international qui plus est, dans un pays qui a connu une véritable révolution à tous les sens du terme.
L’ouverture à l’international est très certainement l’une des solutions d’avenir afin de développer une nouvelle façon de concevoir la vie économique, sociale et sociétale.
Depuis le lancement du débat sur l’ESS sur ce forum, on sent bien l’intérêt que nos adhérents et internautes ont de cette économie sociale et solidaire. Nous en avons abordé aussi les limites.
L’une d’entre elle serait l’enfermement, l’entre soi qui signifierait à coup sûr l’impuissance à lutter contre les tenants du libéralisme économique à tout craint. Si nous ne sommes pas capables de travailler ensemble, entre citoyens de bonne volonté, en abattant les frontières politiques mais aussi mentales, le combat pour une autre Terre risque d’être perdu.
Nos amis tunisiens nous tendent la main.
Sachons la saisir et saisir toutes les mains qui se tendront.